Ce livre retrace l'itinéraire singulier d'un ancien « mao », inséré dans le mouvement général de pensée et d'action de milliers d'autres jeunes gens qui, nourris comme lui de l'amour de la Révolution, se sont embarqués il y a une quinzaine d'années pour une quête qui les a vus s'enflammer successivement pour Cuba, le Vietcong, la révolution culturelle chinoise ; prendre part de toutes leurs forces à Mai 68 puis à la saga mao des années 70 ; enfin, quelques années plus tard, instruits de leur propre aventure, du témoignage de Soljenitsyne et des épouvantes cambodgiennes, s'attaquer avec véhémence, non à leur idéal de liberté et de justice, mais aux pierres angulaires à partir desquelles ils avaient cru pouvoir monter à l'assaut du ciel : Mao, Lénine et Marx bien sûr, mais plus profondément cette conception politique du monde qui régit l'idée même de Révolution. Un retour sur soi en quelque sorte, sans la moindre amertume, car seuls des chemins aussi escarpés mènent quelque part, c'est-à-dire ailleurs, peut-être.
Peinte sur les murs d'une usine, à Sochaux, en mai 68, une phrase a de quoi choquer. Il reste qu'elle précède cet autre cri, celui des ouvriers de Pechiney Noguères qui, durant l'été 73, écrivent dans un tract : « Des travailleurs jeunes et en bonne santé sont entrés dans cette entreprise avec leurs illusions. Après quinze ans, ils se retrouvent usés, diminués, handicapés, désabusés. » L'usine, les bureaux, chacun s'y rend. Pour y faire quoi ? Mourir à petit feu. Mais une désobéissance se fait sentir. L'outil de travail ne bénéficie plus du même respect. De nouveaux slogans surgissent : « Pour gagner sa vie, faut-il la perdre ? » Mal du siècle ? Une nouvelle fringale exister - se manifeste. On dirait comme un éveil...
« Tout se transforme, tout évolue sauf l'idée clé que j'ai tenté au fil des pages de faire apparaître : il n'y a pas de bons politiciens, chacun d'eux est un chef ou bien en passe de le devenir. Refuser d'être un mouton, c'est nécessairement refuser à d'autres de tenir le rôle de loup, c'est devenir un loup soi-même. Car, c'est bien connu, les loups ne se mangent pas entre eux. Alors, toi qui me lis, si tu veux qu'on cesse de te tondre la laine du dos, sors les crocs. Ne pleure plus, hurle. Ne te suicide plus, réagis. Si on te frappe, ne tends pas la joue gauche, place ton droit. Nul ne réagira, ne cognera pour toi. C'est à toi de le faire. Unis-toi par groupe, par affinités, à ceux qui pensent comme toi que la dignité se mérite, que chacun y a droit, mais qu'elle se gagne. Et si dans ce groupe se met à naître un chef, gueule aussi fort que lui, montre-lui que tu n'as pas quitté Charybde pour tomber en Scylla. Et si c'est toi qui as tendance à devenir le patron, bats-toi contre toi-même avant d'être un jour prochain de toute façon combattu par les autres... » S. L.
« Voici des histoires sorties d'une étrange galère et d'un passé récent où elles n'ont guère trouvé de place : des histoires de soldats... » Des histoires sans poudre ni balles ; des histoires où victoire et défaite ne sont pas affaire de conquête ou de violence, mais s'inscrivent dans la quête d'une autre morale, d'une autre culture... Née de la misère de l'homme en armes, l'évidence que rien ne vaudra plus la peine d'être vécu qui ne soit se déprendre du pouvoir... Et s'il y avait en toi, soldat, de quoi enrayer l'éternelle spirale du Pouvoir, de quoi désagréger les édifices qui la supportent, des forteresses politiques aux casemates vides qui sont leur matrice en chacun de nous, esclaves volontaires, individus atomisés d'une société faussement « civile »... ?
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.